Comment identifier un dieu égyptien ?


Par Sébastien Polet


Alors que le musée royal de Mariemont présente une superbe exposition intitulée « Dieux, génies, démons en Egypte ancienne »  et que les musées Royaux d’Art et d’Histoire viennent de terminer deux expositions d’égyptologie, cette interrogation est utile pour les passionnés des cultures Nilotiques. Des divinités égyptiennes figurent sur de nombreux objets présents dans ces expositions et dans les collections permanentes de plusieurs musées belges (Verviers, Anvers, Lokeren…) et européens.

Comment identifier un dieu égyptien ?... Cette question peut sembler, de premier abord, trop simple. Horus arbore-t-il toujours une tête de faucon ? Sekhmet est-elle la seule déesse lionne? Khnoum est-il toujours un dieu à tête de bélier ?


La réponse à ces interrogations semble évidente ; vous trouverez facilement dans un guide de voyage qu’Horus à une tête de faucon, Bastet une tête de chat, Sekhmet une tête de lionne, Anubis une tête de chacal (en réalité il s’agit d’une tête de chien), Khnoum une tête de bélier… Les divinités égyptiennes seraient donc reconnaissables par leur tête... Mais est-ce aussi simple ? Malheureusement non !


Anubis et Hequet (temple de Ramsès II, Abydos)

Il existe une multitude de dieux ! Aucun dieu n’a des attributs qui lui sont propres. Ils sont tous protéiformes, c'est-à-dire qu'ils peuvent changer d'aspect. Ainsi, Horus peut être illustré avec une tête humaine, une tête de faucon, être représenté totalement sous l'apparence d'un faucon… Anubis arbore une tête de chien  et parfois il a l’aspect d’un homme ! Pire, certains dieux peuvent même changer de sexe. Ainsi dans le temple de Khonsou à Karnak, il y a un superbe bas-relief de la déesse Mout, l’épouse d’Amon, qui a une tête de lion et un sexe masculin en érection ! Mout est, dans ce cas, démiurge. Elle est donc à la fois homme et femme. A l’inverse, à Bahariya, l’un des fils d’Horus, Amset est représenté sous les traits d'une femme dans la tombe d’un gouverneur de la XXVIe dynastie.


Hapy et Amset (oasis de Bahariya)

Pour encore compliquer les choses, il est nécessaire de remarquer que plusieurs dieux sont multiples. Ainsi, il existe des dizaines d’Horus différents ! Les principaux sont l’Horus d’Edfou, Horus l’Ancien ou Horsemsou, Horus le Grand ou Haroëris (notamment visible à Kôm Ombo), Horus fils d’Isis ou Harsiésis, Horus l’enfant ou Harpocrate, Horus de Mesen (un Horus harponneur protecteur de Ra), Horus de Bouhen (Horus nubien)… Dans le temple d’Horus à Edfou, il y a même une liste reprenant plusieurs dizaines d’Horus différents.

Remarquons aussi, qu’en plus des dizaines d’Horus, il existe de nombreux dieux qui peuvent avoir régulièrement ou sporadiquement une tête de faucon : Khonsou (fils d’Amon et de Mout à Thèbes), Montou (dieu guerrier de Thèbes), Ra-Horakhty (Ra de l’Horizon), Kebehsenouef (fils d’Horus), Sokar (dieu funéraire de Memphis), Seth (dans le temple d’Amon d’Hibis à Kharga), Hémen (dieu faucon de Moalla, au sud de Thèbes), Soped (dieu du désert oriental)… Tous ces dieux sont très fréquents dans l’art égyptien. Thot, le dieu scribe peu avoir une tête d’ibis mais aussi une tête de babouin ou un visage d’homme !

La déesse lionne n‘est pas toujours Sekhmet. Les déesses Tefnout (divinité primordiale), Bastet, Menhyt (épouse de Khnoum à Esna) présente aussi une tête de lionne. Il n’y a pas qu’Anubis qui arbore une tête de chien, le dieu Oupouaout (celui qui inaugure les fêtes) et les âmes de la cité sainte de Nekhen possèdent la même apparence canine.

Le contexte peut parfois aider à identifier un dieu. Ainsi, il y a très peu de chance de croiser Anubis à Karnak car il est un dieu des morts. Il est présent essentiellement dans un contexte funéraire. Notons qu’Oupouaout est un dieu iconographiquement très fréquent.

Quant à la tête de bélier, elle est arborée par Amon, Khnoum, Amon-Ra, Ra, Hérichef (dieu solaire d’Hérakléopolis Magna), Banebdjeded (dieu de Mendès dans le Delta)…
Montou (Karnak, musée en plein air)         

Oupouaout et Anubis (tombe de Pached, Deir el-Medineh)

Le corps des dieux ne permet pas non plus de les reconnaître. Ainsi, une divinité ithyphallique peut aussi bien être Min que Kamoutef. Ce dernier est une variante du dieu Harsiésis (Horus fils d’Isis). Kamoutef est celui qui viole sa mère (Isis). Son nom signifie « taureau de sa mère ».  Il est souvent associé à Amon en tant que divinité de la fertilité.


Il n’y a donc qu’une seule méthode pour reconnaitre les dieux égyptiens avec certitude : la lecture de leur nom. En effet, seuls les hiéroglyphes livrent l’identité du dieu. Le nom est généralement inscrit à proximité de la divinité. Quelques dictionnaires de la mythologie égyptienne proposent  des listes avec les noms des dieux en hiéroglyphes. Le nom égyptien est parfois éloigné du nom habituellement utilisé, car nous employons leurs noms grecs pour identifier certains dieux. Ainsi, Thot se nomme Djéhouty, Anubis est Inepou, Harendotès (l’Horus vengeur) est Hor-nedj-it-ef !


Atoum et Apophis (tombe de Sennedjem, Deir el-Medineh)



Pistes bibliographiques : quelques dictionnaires de divinités égyptiennes


J.-P. CORTEGGIANI, L. MENASSA, L’Egypte ancienne et ses dieux : dictionnaire illustré, Paris, 2007.

I. FRANCO, Nouveau dictionnaire de mythologie égyptienne, Paris, 1999.

R. SCHUMANN ANTELME, S. ROSSINI, Dictionnaire illustré des dieux de l'Égypte, Monaco, 2003.




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